top of page

Comment encourager une mode plus responsable ?

Le cuir est une des matières les plus emblématiques et importantes de l’industrie de la mode. A la fois utilisé dans des créations de sacs, d’accessoires, mais également de prêt-à-porter, le cuir s’est fait une renommée à travers les époques. En 2016, selon Statista, la valeur de la production des activités de tanneries et d’articles de maroquinerie était estimé à environ 5000 millions d’euros. Ses caractéristiques font du cuir une matière est considérée comme une matière noble, durable dans le temps et issue d’un savoir-faire culturel.


Pour autant, des questions peuvent entourer le cuir et l’impact environnemental lié à sa production est reconnu. Toutes les pratiques ne sont pour autant pas à jeter, bien au contraire, et cette industrie est avant tout amenée à évoluer.

La tendance étant évidemment à la mode plus durable, la plupart des acteurs tentent de s’inscrire dans cette dynamique de responsabilité. Mais comment faire concrètement ? Comment encourager et permettre cette dynamique plus vertueuse du monde de la mode ? Voilà ce que nous aborderons ici, dans cet article.



Locaux de Plateau Fertile Paris

Lorsque Fashion Green Hub et Plateau Fertile Paris nous ont demandé d'organiser une table ronde sur le sujet de notre choix, nous avons décidé d’animer un Open Talk sur le cuir, en raison de notre expertise concernant ce domaine.

Né sous l’impulsion de l’association Fashion Green Hub, Plateau Fertile Paris est un tiers-lieu souhaitant incarner cette mode durable en proposition des solutions concrètes. En son sein, des entreprises peuvent se rencontrer, échanger, créer des projets pour développer la mode circulaire. Il s’agit du second lieu créé par l’association, dans la continuité de Plateau Fertile Roubaix.






« Quelles sont les différentes manières d’encourager une mode plus responsable dans le cuir ? ».


Un grand réseau d’acteurs constitue aujourd’hui l’écosystème d’Adapta. Ce dernier nous permet donc d’avoir une large représentation de la filière cuir et des nombreux profils qui la composent. Nous avons donc choisi nos différents invités afin d’assurer le plus possible cette représentation, grâce à la présence de marques, d’atelier ou encore d’entreprise en charge des analyses environnementales.




Les invités de cet Open Talk

Notre premier invité était Louis Epaulard, le co-fondateur de Léon Flam. Créée il y a 10 ans, Léon Flam est une marque de maroquinerie accordant une grande importance à l’héritage et aux savoir-faire. La marque installe son atelier en France en faisant le choix du Made In France et du fait-main.


Nous recevions également Virginie Nantas. Fondatrice de Entre 2 Rétros, désormais appelé E2R, elle souhaitait créer une marque unique et s’inscrivant dans cette dynamique de circularité. Pour cela, la marque puise dans les stocks de matières existantes, provenant plus particulièrement de l’industrie automobile. Tissus automobile et ceintures de sécurité upcyclés composent les créations de la marque, dans l’esprit des sports mécaniques.


Une mode plus responsable, cela passe également par l’engagement de grands groupes de l’industrie de la mode. Gauthier Bedek, responsable R&D au sein du groupe ERAM permettait d’apporter un regard plus tourné autour de l’industrialisation et de sa compatibilité avec une mode durable.


Enfin, nous souhaitions également un acteur n’étant pas une marque, afin d’apporter un regard différent sur le sujet. Fairly Made est une entreprise permettant aux marques de mesurer leur impact environnemental et social, en réalisant pour eux des analyses d’impact. Clément Aumand est responsable analyse et notre dernier invité.


La fondatrice d'Adapta, Virginie Ducatillon, était donc l'animatrice de cet échange.




Une mode plus responsable oui, mais quelles sont les impératifs à respecter pour les marques ?


Nous abordions récemment le sujet dans notre podcast Points de Bascule (voir Léo et Violette | Le style éthique). Avant tout, les marques doivent se pencher sur les intentions d’achats des clients. En effet, bien qu’une conscience écologique collective se soit développée, l’argument environnemental ne peut être le seul argument permettant l'acte de vente auprès du consommateur. Le client achète avant tout parce que le produit lui plaît et répond à ces besoins en termes de fonction.


Sac de voyage Riccardo par E2R, en cuir et en tissu revalorisé

L’ensemble de l’offre, autant écologique et responsable soit il doit répondre à des attentes concrètes. L’esthétique du produit est bien entendu un aspect essentiel et central. Virginie nous partage ici son expérience avec E2R. Sélectionner des matières issues de stocks dormants ne permet pas une continuité des textiles d'une collection à l'autre. Virginie aborde donc différemment les plans de collections, en ajoutant notamment des motifs en cuir sur ses créations, afin de créer une certaine uniformité. Elle constate désormais que ses clients accordent peu d’importance à ces différences de textiles mais achètent principalement pour le motif ajouté au sac. C’est pour cet aspect esthétique que ses clients achètent ses créations.





Le produit doit également être conçu en se penchant sur la question de la durabilité. Cette durabilité est un des points clés dans la dynamique d’une mode plus responsable, à travers le cycle de vie du produit. Ce dernier aura beau être conçu et fabriqué avec les matières les moins polluantes, il ne peut être considéré comme inscrit dans une mode plus durable si sa durée de vie n’est pas optimisée.

Ces aspects ont notamment pu être abordés par Gauthier. Cela s’applique bien entendu à toutes les marques, mais en tant que grand groupe reconnu comme ERAM, certaines exigences doivent être respectées. Additionnellement de la qualité, les questions de durabilité ou encore de confort doivent être prises en compte.



Les certifications, un outil puissant de l’industrie du cuir, en faveur d’une mode plus responsable.


La question de la certification des matières est revenue plusieurs fois au cours de ces échanges. Aujourd’hui, les tanneurs ont clairement besoin de ces certifications pour pouvoir durer dans le temps. La plupart des tanneries en France sont intégrées à de grands groupes de luxe et rares sont celles qui continuent à être indépendantes, sans support financier de la part d'un grand groupe.

Mais pourquoi ces certifications sont-elles aussi importantes et quels sont les enjeux liés à ces dernières ?


De manière générale, les différentes certifications peuvent être des marqueurs concernant la sécurité des salariés de la tannerie. Lors des nombreuses étapes qui composent le processus de tannage, ces derniers s’exposent à certains risques à travers la manipulation des machines, de certains produits ou encore en raison du caractère répétitif de leurs actions.

Ces certifications permettent également un certain contrôle environnemental, indissociable d’une mode plus responsable. Les mêmes produits évoqués précédemment peuvent également être très polluant, selon la manière dont ils sont traités. Considérant une eau ayant été utilisée lors de tout ce processus, cette dernière est en effet très nocives pour les sols par exemple si elle est simplement déversée telle quelle dans la nature. Les tanneries ont connu de grands développements ces dernières années, grâce à une modernisation du système de traitement des eaux ou même de leur réutilisations grâce à des circuits fermés.



Concernant les cuirs que nous proposons chez Adapta, ils respectent tous la réglementation REACH. Cette réglementation a pour objectif de sécuriser l’utilisation de produits chimiques, notamment pour protéger les consommateurs. De plus, de nombreux tanneries avec qui nous travaillons détiennent également la certification LWG. Cette dernière est attribué aux tanneries démontrant leur capacité à atteindre certains usages et performances environnementaux dans l’industrie du cuir.


Louis Epaulard et sa marque Léon Flam attachent une grande importance à toutes ces certifications, afin de réaliser des créations en accord avec les valeurs que la marque souhaite représenter.


Création Léon Flam, avec du cuir Adapta

Par ailleurs, ces questions de certifications ne s’appliquent pas qu’aux tanneries mais également aux ateliers. La certification ISO 14000 par exemple encadre le management environnemental de ces derniers. Les normes de management social et de sécurité sont également des éléments en faveur d’une mode plus responsable.



L'industrie et la circularité


Les processus de revalorisation sont d'apparence plus simples dans les petites structures. Cette « vérité » est bien entendu à prendre avec du recul car cela dépend de chaque marque. Dans le cas de Virginie Nantas et de la marque E2R par exemple, certaines difficultés peuvent être rencontrées. La question du stockage, de la logistique ou encore du réassort revient lors de chaque création de produit. Ces difficultés sont grandement compensées par la proposition unique la marque, sa volonté de s’engager d’un point de vue environnemental ainsi que l'accueil des produits par les clients.

Mais de manière plus globale, il est facile plus d’intégrer des démarches responsables dans ces petites structures.


Gauthier Bedek nous fait part de la réalité au sein d’un groupe tel que ERAM par exemple. Le groupe lança de nombreux projets et mit en place différentes initiatives en raison de la réalité environnementale. Parmi ces derniers, un système de location de chaussure fut lancé avec Bocage. Un pari en apparence risqué car pour rendre ce système viable, il est impératif que les chaussures reviennent dans un état suffisamment bon pour pouvoir être à nouveau proposées aux clients. Le cas contraire, le cycle de vie du produit est alors plus que raccourci. Les retours de cette expérience étaient plus que positifs et bien que le cuir soit une matière pouvant plier, notamment au niveau du pied, les clients redoublaient de vigilance et portaient une attention toute particulière à l’entretien de ces produits loués, plus que s'ils les avaient achetées

Outre la structure de l’entreprise et la hiérarchie, davantage de réflexions se présentent également d’un point de vue légal. Les règlementations ne cessent d’évoluer en permanence, rendant les prises de décisions plus réfléchies. Le groupe consacre donc un temps important sur des veilles de règlementations, afin de connaître les usages et les attentes des instances.


Néanmoins, nous savons également que les grands acteurs de l’industrie de la mode sont ceux devant être le plus concernés par la mode responsable, en raison de leur impact plus élevé sur la société.


Une ligne 100% automatisée du programme Reshoes

Le Groupe ERAM s’est également engagé sur d’autres projets de circularité industriel, aux côtés d’autres acteurs importants de la mode française. Parmi ces derniers, nous retrouvons par exemple Zalando, Décathlon France ou encore Revalorem. Ces 4 acteurs ont lancé ensemble au CETIA un programme européen d’innovation sur la recyclabilité des chaussures à une échelle industrielle, et plus particulièrement leurs semelles. Ce programme, intitulé Reshoes, consiste en la mise en place d’un processus industriel permettant la détection de matière, l’arrachage des semelles, leur tri et et enfin la préparation des matériaux prêts à être recycler.


La preuve qu’il est possible, à travers la collaboration des acteurs, de mettre en place des processus de revalorisation à grande échelle.



La mesure d'impact pour promouvoir une mode plus responsable


Un certain recul doit être pris quant aux mesures d’impacts. Dans un premier temps, il faut prendre en considération le fait qu’il n’existe pas de méthodologie universelle permettant de mesurer les impacts environnementaux d’un produit. Les méthodologies varient et peuvent donc donner naissance à certains décalages.

Deux méthodologies sont principalement utilisées aujourd’hui. La première est la méthodologie européenne, appelée PEF (Product Environnemental Footprint). Cette méthodologie répond à un besoin d’uniformisation et de fiabilités des données environnementales.

La seconde méthodologie est la méthodologie française de l'ADEME, attribuant une note ABCDE. Elle est aujourd’hui standardisée sur l’ensemble du territoire français. C’est cette méthode qu’utilise notre invité Clément et les équipes de Fairly Made, afin de mesurer l’impact de la matière sur toute sa durée de vie.

De plus, il faut également prendre conscience que ces méthodologies fonctionnent selon des bases de données qui leur sont propres. Certaines valeurs sont bien entendu difficiles à mesurer, les rendant donc imparfaites ainsi que les résultats.

Reconstitution de l'analyse du cycle de vie d'un produit


Outre ces entreprise externes réalisant des mesures d’impacts, ces dernières peuvent également se faire en interne, permettant un premier aperçu. Gauthier Bedek évoquait par exemple un Lab Innovation dans le groupe ERAM, tourné vers 3 enjeux stratégiques principaux. Il évoque tout d’abord la mesure de performance, à travers l’ACV (Analyse du Cycle de Vie) et plus généralement l’empreinte environnementale du cuir. Il évoque ensuite les mesures de durabilité ou encore de réparation, considérant toutes les deux la durée de vie du produit.


De façon générale, quel travail est a effectué pour mesurer un impact environnemental ?

Il faut remonter l’intégralité de la chaîne de valeurs pour récolter l’ensemble des informations nécessaires à cette mesure. Le point de départ est donc la marque réalisant son analyse de cycle de vie, qui donne le nom de ses fournisseur. Ces mêmes fournisseurs partagent les informations quant aux partenaires ayant intervenu en amont et ainsi de suite.

Une forme d’éducation est donc nécessaire, notamment auprès des fournisseurs. Clément nous parle d’un réel travail de collaboration, afin de leur apporter des nouveaux outils et ainsi de faire progresser la filière cuir. Parmi ces outils, la future plateforme de Fairly Made permettra de partager simplement les informations de traçabilité, pour ainsi éviter de donner un travail de gestion au complexe au fournisseur.



Les conclusions de cet Open Talk


Qu’importent les échelles, des solutions de revalorisation de matières sont à la portée de tous, chacune répondant aux besoins de chaque structure.


Il existe de nombreuses manières d’inscrire son projet dans une logique de mode plus durable et nos invités nous ont présenté les leurs. Virginie Nantas et E2R ont décidé de se tourner vers des textiles automobiles déjà produit, Louis Epaulard et Léon Flam utilisent leur expérience afin de réfléchir en amont à l'industrialisation mais également à l'optimisation de la découpe du cuir et comment utiliser ces chutes par la suite à travers leur recyclage par exemple, Gauthier Bedek et le Groupe Eram s’engagent quant à eux sur des projets de recyclabilité à échelle industrielle.


L’engagement éco-responsable est engagé avant même l’étape de fabrication et des solutions, telle que celle que nous proposons chez Adapta, ont un impact positif. Nous travaillons chaque jour pour que notre solution de revalorisation de matières, issues de stocks dormants, devienne un jour la norme et non plus une solution marginale.


De plus les acteurs en dehors des processus de fabrication sont plus que jamais important. Des entités, telles que le Comité Stratégique de Filière Mode et Luxe, encadrent des actions collectives, qui sont cofinancées par le public et le privé. Des actions concrètes pour l’industrie du cuir sont notamment précisé dans le dernier contrat signé et orienté vers 4 axes principaux : la formation, l’accompagnement des entreprises, l’acculturation numérique et surtout le développement durable. Le dernier contrat avait été marqué du sceau de deux ministres, Bruno Le Maire ministre de l’économie et Franck Riester, ministre de la culture, rappelant l’importance des pouvoirs publics.


Les entreprises privées, tel que Fairly Made par exemple, sont également des acteurs clé de cet encouragement d’une mode plus durable en accompagnant les marques dans l’évaluation de leur impact.


Repenser son process à travers le prisme d’une mode plus responsable ne semble plus être une option mais une évidence. Chaque acteur met peu à peu sa pierre à l’édifice, pour ainsi construire une mode réellement plus durable. Tout cela ne peut se faire qu’à travers la collaboration de tous ces acteurs.

bottom of page